Olivier JOBARD
Kingsley, carnet de route d'un immigrant clandestin
J’ai rencontré Kingsley au
Cameroun à l’occasion d’un reportage sur l’immigration clandestine. Ce jeune
homme de 22 ans avait déjà tenté l’aventure deux ans auparavant, mais il avait
dû rebrousser chemin faute d’argent. Depuis cette tentative avortée, il avait
fait des économies et obtenu un important soutien auprès de ses proches. De
plus, il était désormais attendu en
France depuis que son meilleur ami et ex-collègue, Francis, avait réussi à
immigrer légalement en épousant une touriste française. Kingsley était donc
prêt à repartir.
Il quitte son pays en mai 2004 et
traverse en toute illégalité, le Nigeria, le
Niger, franchit le désert du Sahara pour entrer en Algérie. Enfin, il atteint
le Maroc. Là, après trois mois d’attente et deux séjours en prison, il embarque
sur un esquif de fortune fourni par des passeurs, en compagnie d’une trentaine
d’autres clandestins, pour rejoindre les îles Canaries. Six mois après son départ du
Cameroun, après avoir changé cinq fois d’identité et trois fois de nationalité,
il touche enfin la terre européenne…. escorté par des membres de la Guardia
Civil. Au début, notre relation était
basée sur l’intérêt commun d’aller le plus loin possible dans notre
entreprise. Lorsqu’il m’a proposé d’être présent quand l’un de ses amis lui
remettait de l’argent, j’ai tout de suite compris que j’étais sa caution
morale. Plus tard, il m’a demandé de garder sur moi tout son pécule pour ne pas
être volé lors des différents passages de frontières. J’ai accepté, sachant que
si je gardais ses économies, il ferait tout pour me retrouver en cas de
séparation.
Des liens plus profonds se sont
tissés progressivement au fil des moments forts que nous avons partagés. Une
confiance presque inébranlable s’est installée. Ce que nous avons vécu ensemble
et le respect mutuel que nous éprouvons nous engage indéfectiblement l’un
envers l’autre. Je reconnais que j’ai très souvent oscillé entre le rôle
d’observateur et celui d’acteur au cours de cette histoire, ce jusqu’à
l’obtention du titre de séjour de Kingsley. Parce qu’il avait confiance en
moi, il a permis d’être exposé dans les journaux alors qu’il était encore
clandestin. Je lui ai expliqué que cette médiatisation pourrait éventuellement
lui permettre de constituer un dossier solide pour décrocher une dérogation.
C’est ce qui s’est produit. Aujourd’hui, il vit en France tant bien que mal. À une époque où le mérite est une
vertu vantée par les hommes politiques, où la « prise de risque » et
la « mise en danger » sont érigées en valeur étalon, je souhaite
exposer, au travers de ce reportage, les difficultés d’un tel périple et mettre
en lumière tout ce que ces migrants donnent -jusqu'à leur vie parfois- dans l’espoir d’une
existence meilleure.
Olivier Jobard
www.olivierjobard.com
Olivier JOBARD - Kingsley, Carnet de route d'un immigrant clandestin
Exposition présentée du mardi 15 mai au samedi 23 juin 2012
> Le Prieuré de Locmaria,
Place Bérardier 29000 Quimper
06 49 42 76 10
> ouvert du mardi au samedi de 15h à
19h