Pilar ALBAJAR & Antonio ALTARRIBA
Tyrannies

© Pilar Albajar & Antonio Altarriba, Le Pouvoir
série Tyrannies, 2011-2012 / Courtesy Galerie Vrais Rêves

     La tyrannie est le plus grave fléau de l’Humanité. Beaucoup plus grave que les maladies ou les catastrophes naturelles. Parce qu’elle provient de nous et c’est sur nous-mêmes que l’exerçons, preuve insupportable mais indéniable que l’homme est un loup pour l’homme. Et nous le faisons avec une étonnante –peut-être complaisante- application. Parce que la volonté de domination a provoqué des millions de morts. Et non seulement des morts. L’humiliation, l’indignité, la corruption font également partie de son injuste lot. 
      La tyrannie adopte souvent le plus cruel des visages. Mais, subtile, elle peut aussi présenter un aspect affable, même séduisant. En fait, l’avatar postmoderne de la tyrannie, se vaut plutôt de la persuasion et revêt la tenue, impeccable mais dévastatrice, de la correction. Mais peu importent ses manières. Terrifiante ou cordiale, elle est toujours bestiale. Parce qu’elle recouvre les plus méchantes pulsions de l’animalité. Au fond elle n’est que la manifestation, à peine civilisée, de la lutte pour la territorialité, la hiérarchie dans le clan, l’exclusivité sexuelle...
      C’est la raison pour laquelle nous la représentons ici au moyen de personnages à la tête d’animal. À peine domestiqués, les maîtres du monde sont toujours là, aussi impitoyables que toujours, plus ambitieux que jamais. Les instances autoritaires, les organisations dogmatiques, les corporations expansionnistes non seulement continuent indemnes mais sont devenues plus fortes et, tour de force admirable, plus incontestées. Grâce aux subtilités des pouvoirs médiatiques, la domination se fait supportable et l’aliénation inconsciente. Vieilles ou anciennes, impudiques ou camouflées, les tyrannies maintiennent leur empire. Si la lutte ne continue pas, ce n’est pas parce que le conflit soit résolu. C’est parce qu’elles ont vaincu.
      La photographie dénonce journalière et journalistiquement les injustices. Notre série se situe dans le même combat mais dans un autre front. Condensés, affublés ou fabulisés, à peine métaphorisés, les tyrans apparaissent ici démasqués, fonction essentielle d’une photographie qui se veut plus révélatrice que monstrative. La série que nous vous présentons n’est donc pas un montage, représentation fantastique ou fantasque du pouvoir. C’est la pure et rude réalité, le véritable visage de la tyrannie.  
Pilar Albajar & Antonio Altarriba 
www.altarribalbajar.com 
© Pilar Albajar & Antonio Altarriba, L'Ordre
série Tyrannies, 2011-2012 / Courtesy Galerie Vrais Rêves

 Pilar ALBAJAR & Antonio ALTARRIBA - Tyrannies
    Exposition présentée du mardi 15 mai au samedi 23 juin 2012
     16 rue Sainte Catherine 29000 Quimper 
     02 98 53 27 29
 >  ouvert du mercredi au samedi de 15h à 18h 
Jane Evelyn ATWOOD
Quatre Histoires


  Divers  

© Jane Evelyn Atwood, Woods Hole, Cape Cod, Massachussets, U.S.A., 1983
série Divers / Courtesy Galerie IN CAMERA 




     Photos de commandes ou photos libres, photos de chance et même de hasard - des images prises ici et là, en promenade, en famille, en soliatire, quand je flâne ou quand je travaille pour les autres. Des ponctuations dans des phrases, dans de longues histoires, des temps de pause, des parenthèses, peut être. Toutes des images qui ne figurent pas forcément dans les sujets de livres mais qui comptent pourtant autant dans mon parcours de photographe. Toutes des photos de moi, une sorte de journal, les DIVERS de moi-même.

Jane Evelyn Atwood
www.janeevelynatwood.com 

   Jane Evelyn ATWOOD - Divers
     Exposition présentée du mardi 14 avril au dimanche 27 mai 2012
     Esplanade François Mitterrand 29000 Quimper 
     02 98 55 55 77
 >   Ouvert du mardi au samedi 10h12h-13h18h dimanche 14h18h


  Femmes en prison   


© Jane Evelyn Atwood, Parloir intérieur, maison d'arrêt de femmes de Dijon, 1991
série Femmes en prison / Courtesy Galerie IN CAMERA
     J’ai commencé à photographier les femmes incarcerées en 1989. Pendant dix ans, je me suis concentrée sur les criminelles de droits commun dans quarante prisons - maisons d’arrêts, centres de détention et pénitentiaires  - dans neuf pays en Europe, Europe de l’Est et les États-Unis jusque dans des couloirs de la mort. Au départ, la curiosité était mon principal motif. La surprise, le choc et la stupeur ont pris le relais. La rage m’a portée jusqu’au bout.
     Dès le début, j’ai été frappée par l’immense manque affectif des prisonnières. Elles avaient été écrasées non seulement par l’ignorance, la pauvrèté et une vie de famille éclatée, qui sont le lot commun de presque tous les détenus,  mais aussi par des années – quand ce n’est pas une vie entière – d’abus physiques et sexuels exercés sur elles par les hommes. Souvent,  ces même femmes purgeaient une peine pour des actes qu’un homme avait commis, ou pour des actes qu’elles n’auraient jamais commis toute seule. Trop souvent, la politique mise en oeuvre dans les prisons de femmes consiste à humilier plutôt qu’à réhabiliter. Des femmes qui étaient brisées dehors continuent, en prison, à être traitées comme des citoyennes de seconde zone. Un large pourcentage des femmes incarcérées le sont pour des délits non violents. Est-ce vraiment nécessaire de les mettre en prison? Une fois incarcérées, elles ont moins de chances de s’en sortir que les hommes, les programmes de formation et les possibilités de travail des femmes sont limités et débilitants.
     Pour chaque femme qui a accepté de participer à ce travail, des centaines ont refusé: elles craignaient les représailles des gens à l’éxterieur, ou des gardiens (nes) à l’intérieur, si elles disaient la vérité. Dans le monde entier, les administrateurs de prison prétendent protéger les détenues de l’exploitation; en vérité, ils font tout leur possible pour les empêcher de s’exprimer sur la réalité de ce qu’elles vivent derrière les barreaux. La honte empêche certaines femmes de parler. Pour beaucoup d’autres, c’est la peur. Mais la grande majorité d’entre elles est tout simplement réduite au silence.

  Mines antipersonnel   


© Jane Evelyn Atwood, Victime de mine, pas de jambes, un bras, en enfant, Kuito, Bié, Angola, 2002
série Mines antipersonnel / Courtesy Galerie IN CAMERA
      Au cours des vingt dernières années, plus de trois cent soixante types de mines antipersonnel ont été développés. Une fois en place, ces armes restent en sommeil, jusqu’à ce qu’elle explosent, par simple contact, ou sous la pression d’un poids. Les modèles les plus récents sont en plastique, afin d'échapper aux détecteurs de métaux dont se servent les démineurs. Ces mines sont souvent de couleurs vives et attirent les enfants, qui les ramassent. Elles ne visent pas des victimes précises mais elles mutilent sans discrimination. En 2002, plus du 85 % du nombre total de victimes de mines antipersonnel étaient des civils, parmi lesquels de nombreux enfants. Les mines antipersonnel sont conçues pour estropier, non pour tuer. Ceux qui réchappent à ces accidents sont amputés. Les répercussions psychologiques des accidents causés par les mines s’avèrent aussi traumatisantes que leurs effets physiques.
      Après une commande pour Handicap International au Cambodge en 2000,  j’ai  voyagé pour moi-même dans quatre autres pays particulièrement dévastés par des mines-antipersonnels.   Ce travail m’a conduite au cœur de pays ravagés par des décennies de guerre, de pays infestés de mines par des puissances extérieures, puis de nouveau minés par leur propre population durant des guerres civiles sans merci. 
      Cambodge, Mozambique, Kosovo, Angola, Afghanistan - ces pays ont été saignés à blanc jusqu’à ce qu’il ne reste plus que les gens, des êtres humains extraordinaires qui, envers et contre tout, ont réussi à survivre – sans jambes, sans bras, aveugles, les chairs déchiquetées, avec ou sans prothèse, leurs enfants cassés et mutilés pour toujours.

  Haïti  

© Jane Evelyn Atwood, Les Gonaïves, Haïti, 2005
série Haïti / Courtesy Galerie IN CAMERA

      J’ai photographié Haiti entre 2005 – 2008. Dans les années 2000, la violence a monté d’un cran en Haïti, avec les prises d’otages incluant des journalistes, dont deux ont été sauvagement torturés et tués. Dans ce climat d’insécurité et de terreur, j’ai voulu me concentrer sur la vie quotidienne de la population vivant sur l’île.  La presse se focalisait sur Port au Prince et Cité  Soleil - j’allais partout ailleurs. Ces photos ont été prises aux Gonaïves, à Jérémie, Port-de-Paix, Anse Rouge, Fatima la Coupe, La Pointe, Anse-à-Foleur, Sainte-Anne, Chansolme, Saint-Louis-du-Nord, Sources Chaudes, et Bassin Bleu.
      J'ai effectué un dernier voyage six semaines après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui a détruit Port-au-Prince, faisant plus de 230.000 morts, 300.000 blessés et 1,2 millions de sans-abris.

Jane Evelyn Atwood
www.janeevelynatwood.com 

   Jane Evelyn ATWOOD - Trois Histoires (Femmes en prison, Mines antipersonnel, Haïti)
     Exposition présentée du mardi 15 mai au samedi 23 juin 2012
     Esplanade Julien Gracq 29000 Quimper 
     02 98 98 86 60 
 >   Ouvert du mardi au samedi de 14h à 18h


  " Plouhinec ": restitution de la résidence artistique   

© Jane Evelyn Atwood, Autoportrait, 1978 / Courtesy Galerie IN CAMERA 


Bien sûr, la mer avant tout, étendue en bas des falaises, bleu azur à perte de vue, le soleil étincelant sur sa surface, telles des rides sur un visage vieilli, frappé par ses éclats.
En haut, une rangée de verdure : gris anthracite, vert chasseur, couleurs pales et fragiles des nouvelles feuilles à peine apparentes qui annoncent les landes qui envahiront les espaces plus tard.
Je suis arrêtée par les matières – l’eau, le bois, la pierre - même l’asphalte de la seule route qui longe la mer sur la hauteur, coupée de la plage par un pan de végétation. Le ruban noir brillant, frappé par le soleil de l’après-midi, épais comme du plomb le soir dans l’ombre.
Et partout les chemins qui serpentent entre les buissons, traversent les rochers, disparaissent dans un horizon infini où le ciel et la mer se rejoignent - cette mer démesurée et éblouissante, écaillée comme le dos d'un reptile, gonflée de puissance.  
Le ciel, une chappe sans fin, immense, au-dessus de tout.
De temps à autre un personnage, minuscule.
Je photographie tout, une sorte d’exercice de composition et de style, me demandant si l’émotion y trouve sa place. C’est une explosion, une ferveur née de ne pas avoir fait d’images depuis si longtemps, les deux années les plus dures de ma vie, où je me demandais quand et comment les tristesses trouveraient leur terme.
Et me voilà, en face de cette mer, le mouvement incessant des vagues qui s’échouent sur l’estran, le soleil qui tape, l’eau qui vient et se retire, le sable qui se forme et se reforme, les pierres immuables, solides, là, depuis toujours.
Images natures, presque sans personne, j’ai envie de tout prendre, absolument tout.
De me saisir de cette force de la nature.

Jane Evelyn Atwood, mai 2012

   Jane Evelyn ATWOOD - Plouhinec
     Exposition présentée du mardi 15 mai au samedi 23 juin 2012
 > Galerie Aktinos
     43 rue Aristide Briand 29000 Quimper 
     06 49 42 76 10
 >   Ouvert du mercredi au samedi de 15h à 18h30

William BETSCH
Evidence, le travail d'oubli


 © William Betsch, Portrait of a man: ultraviolet of a faded photograph (4x5mm)
  série Evidence, le travail d'oubli
     La découverte par le photographe des traces des détenus des prisons souterraines du camp d’internement de la Deuxième Guerre mondiale a mené au classement de Drancy sur la liste des monuments historiques en 2001.
     Cette enquête personnelle sur la mémoire collective s’est déroulée entre février 1998 et juin 2000. Le document photographique qui en résulta fut à l’origine d’une injonction ministérielle qui mit fin à la mutilation architecturale de la Cité, afin d’obtenir sa sauvegarde.
     Situé en banlieue norde de Paris, Drancy était bien plus qu’un « camp français. » Conçue en 1930 par les architectes Eugène Beaudoin et Marcel Lods comme prototype d’une forme utopique de logement urbain, « La Cité de la Muette » devint le camp de concentration le plus grand d’Europe occidentale. Au centre d’un réseau de plus de 100 camps français, sa tête de ligne fit de Drancy une satellite  d’Auschwitz. Entre 1939 et 1944, quelques 141,000 personnes y furent déportées, dont 75,000 Juifs – gazés majoritairement dès la « livraison » – et 66,000 « non-racials » dont deux sur trois pour des « faits de resistance ».
     Les photographies des cachots souterrains à Drancy recensent ses populations carcérales successives de 1938, date vraisemblable de sa mise en service suite aux premières directives visant communistes et étrangers , aux déportations de masse qui débutèrent en 1942, jusqu’à 1947, lorsque 6,000 personnes accusées d’avoir collaboré avec le régime nazi s’y trouvaient. Depuis 1950, la Cité de la Muette fait office de HLM pour 600 habitants.
 © William Betsch, Magen David (1,5cm), graphite série Evidence, le travail d'oubli

    William BETSCH - Evidence, le travail d'oubli
    Exposition présentée du mardi 15 mai au samedi 23 juin 2012
     18 rue Roger Salengro 29000 Quimper 
     02 98 98 40 81 
 >  Mardi,jeudi,vend. 13h30-18h/ mer. 10h-12h, 13h30-18h/ sam. 10h-12h, 14h-17h
 >  Attention du 5 au 19 juin / visites uniquement sur rendez-vous
Gilles COULON
Hiver(s)


© Gilles Coulon, série Hiver(s) / Courtesy Galerie Particulière

     J’ai cherché dans l’hiver celui des autres. De ceux que je ne veux pas regarder et qu’on ne voit plus. Leur présence est insupportable. Elle devrait être inadmissible. L’habitude les a rendus insignifiants. Ils font désormais partie du paysage urbain. À quelle distance faut-il se placer pour contempler un paysage? Quelle distance l’indifférence met-elle entre le passant et ces corps allongés dans les recoins du bitume?
     Dans l’hiver de la campagne, saisi à l’arraché, j’ai cherché la trace, en creux, des «sans domicile fixe». Dans la contemplation brève d’un pays enneigé, j’ai voulu prendre le temps de les regarder. Au moment de l’année où le climat les menace plus qu’à l’ordinaire et nous rappelle un bref instant qu’ils existent.
Gilles Coulon 
www.tendancefloue.net
 
© Gilles Coulon, série Hiver(s) / Courtesy Galerie Particulière

     Gilles COULON - Hiver(s)
    Exposition présentée du mardi 15 mai au samedi 23 juin 2012
 > Galerie Saluden
     18 rue Laënnec 29000 Quimper 
     02 9895 15 94
 >   Mardi 14h - 19h / du mercredi au samedi 10h-12h, 14h-19h
Joakim ESKILDSEN
The Roma Journeys

© Joakim Eskildsen, Venus and Mucusoara, Stefanesti, Roumanie
série The Roma Journeys / Courtesy Gallery TAIK

              Entre 2000 et 2006, l’écrivain Cia Rinne et moi avons entrepris de voyager à travers sept pays différents (Hongrie, Inde, Grèce, Roumanie, France, Russie, Finlande) pour mieux connaître les Roms et les conditions de vie auxquelles ils font face. Nous avons toujours essayé de passer un temps considérable avec les gens dont nous voulions apprendre et, si possible, de vivre avec eux pendant un moment. 
             C’est d’abord notre curiosité qui nous a conduit dans les quartiers roms de Hevesaranyos, dans le Nord-Ouest de la Hongrie, où nous avons séjourné quatre mois chez Magda, une vieille Tsigane. Nos autres voyages en Roumanie, en Inde et à travers la Finlande se sont faits à la suite de contacts personnels, tandis qu’en Grèce et en Russie, nous avons initialement été aidés par des organisations de défense des droits de l’homme, et en France par le Centre de recherches tziganes, à Paris. Ces voyages n’ont pas du tout été méticuleusement planifiés, et ont davantage été le fruit d’une série de coïncidences qui nous ont permis d’entrer en contact avec les Roms.  Nous nous sommes efforcés de communiquer directement avec eux ; cela a été possible dans la plupart des pays.
             Il nous a souvent été demandé ce qui avait suscité notre intérêt pour les Roms, mais nous sommes incapables de donner une réponse définitive, et encore moins exhaustive. Ce qui est sûr, c’est qu’une fois que nous avons commencé, nous étions simplement incapables d’arrêter le projet. Plus nous faisions connaissance avec les Roms, plus notre intérêt et notre affection pour eux grandissaient.
           Dispersés à travers le globe, les Roms vivent dans presque toutes les parties du monde, chaque groupe étant caractérisé par une langue, une culture et une situation distinctes. Ils sont profondément influencés par les pays dans lesquels ils vivent. Ils n'ont jamais vécu, et ne vivent pas, « en dehors de la société », comme on le conçoit communément à tort. Souvent, les Roms sont considérés comme les plus vifs protecteurs de l'héritage culturel d'un pays : ils conservent dans certains cas les langues vivantes, comme les Gitans catalans dans le sud de la France. Les Kaale de Finlande cultivent, eux, un code vestimentaire qui a son origine dans la mode de la campagne finnoise d'il y a un siècle.
Joakim Eskildsen  
Exposition présentée en partenariat avec la galerie L'Imagerie Lannion
Nous présentons dans le cadre du Festival Mai Photographies 3 chapitres de The Roma Journeys: Hongrie, Roumanie, France. Les 4 autres chapitres (Grèce, Inde, Russie, Finlande) seront présentés à L'Imagerie de Lannion pendant les Estivales Photographiques du Trégor du 30 juin au 29 septembre 2012. 
© Joakim Eskildsen, Caroro et sa famille, Stefanesti, Roumanie
série The Roma Journeys / Courtesy Gallery TAIK 
   Joakim ESKILDSEN - The Roma Journeys
     Exposition présentée du mardi 15 mai au samedi 23 juin 2012
     Esplanade Julien Gracq 29000 Quimper 
     02 98 98 86 60 
 >   Ouvert du mardi au samedi de 14h à 18h
Guillaume HERBAUT
La Zone

© Guillaume Herbaut, Palieska
série La Zone, 2009 -2011 / Courtesy Agence Institute

     Je vois, devant moi, ce pont enneigé, la lumière bleutée du soir et des traces de loups. Depuis deux jours, je suis dans la zone interdite de Tchernobyl. Je ne voulais pas y retourner. J’y avais passé trop de temps entre 2009 et 2011. Quatre mois à me perdre dans ce territoire interdit qui me fascine depuis mon premier voyage en 2001. Une attirance et une répulsion dans le même temps. La peur de la plaque trop contaminée. La zone est devenue pour moi un espace de réflexion. Tchernobyl ne m’intéresse plus, ni son histoire, ni ses conséquences. Je voudrais fermer les yeux et oublier. Et pourtant, je vois Piotr qui marche dans la neige, il va traverser la zone interdite pour y voler du métal contaminé. J’entends Igor me dire, «je serais ton ombre». Je vois Larissa se déshabiller dans cet hôtel d’Ivankov «mais pourquoi je fais cela?». Je sens l’haleine alcoolisée des miliciens. «Nous étions furieux. Vous arrêtez dans la zone, nous aurait valu une prime». Je vois Vladimir chanter et me faire boire à en être malade. Je vois dans les brumes alcoolisées cet homme se faire lyncher. J’entends le bruit sourd de son crâne cogner le sol, j’entends mon radiomètre crier, et me dire je ne dois pas rester.
     Tchernobyl vrille ma tête et mes repères, et aujourd’hui il est bien difficile de m’en défaire. Et puis il y a ce pont, et ces traces de loups dans la neige. Il y a cette eau noire et profonde. La rivière Uzh. Je dois partir. Un pas de trop, un choc, je sens l’eau glaciale me transpercer et me rend compte que la neige cachait un trou. Mon tibia est touché. Rien de grave, si ce n’est la peur. Et la confirmation que pour moi le voyage doit se finir.
En 2001, j’étais allé à Tchernobyl, et j’avais consacré mon travail sur la mémoire de la catastrophe et sur notre rapport à la radioactivité. Tchernobyl m’avait fait passé du noir et blanc à la couleur et du mouvement à la frontalité. En résumé j’allais du reportage au documentaire, me poussant à réfléchir sur mon approche dans le photojournalisme. En 2009, Tchernobyl me permettait de considérer la réalité comme une matière dans laquelle je pouvais me noyer, de pousser le sentiment de fiction et de sortir d’une photo arrêtée.
     Avec le temps, Tchernobyl est devenu un repère comme un phare à la lumière morbide.

Guillaume Herbaut

© Guillaume Herbaut, Palieska
série La Zone, 2009 -2011 / Courtesy Agence Institute

  Guillaume HERBAUT - La Zone
    Exposition présentée du mardi 15 mai au samedi 23 juin 2012
 > Le Prieuré de Locmaria, 
     Place Bérardier 29000 Quimper 
     06 49 42 76 10
 >  ouvert du mardi au samedi de 15h à 19h